La thérapie, c’est « mode » ?

La thérapie, un petit plaisir ?

Woody Allen s'analyse
Woody ou Sigmund

À certains, lorsqu’il est question de thérapie tendance « psy », s’impose l’image d’un Woody Allen, bourgeois new-yorkais, dont le quotidien se partage entre ses discussions de couple, ses séances de « psy » et ses soirées alcoolisées entre amis du même milieu qui débattent du cours de leurs actions et de leurs psychanalystes.
Il n’a pas l’air d’être complètement guéri, et c’est tant mieux pour ses fans qui peuvent du coup continuer à profiter de ses films !

Alors, non, la démarche thérapeutique n’est pas une mode, un moment de détente, un luxe réservé à une élite – pécuniaire – à la recherche d’un confort supplémentaire. Il ne faut pas pouvoir se payer une thérapie pour la mériter. Il est en revanche nécessaire de s’en sentir le besoin pour entreprendre cette démarche qui est tout sauf anodine. Il ne s’agit pas de luxe, de confort, ni même de bien-être – au même titre que de la relaxation, un cours de yoga (et encore, il y a yoga et yoga) ou un clapotage en jacuzzi, aussi profitables que puissent être ces activités tout à fait honorables et légitimes, par ailleurs.

 

« Débarrassez-moi de ça sans toucher au reste ! »

J’entends souvent cette recommandation qui a cessé de m’étonner…

D’une part, un thérapeute n’a aucun pouvoir sur ce qui vous incommode. Il n’est pas magicien.

Il ne dispose que d’une qualité d’écoute particulière et, éventuellement, de techniques et de connaissances qui peuvent aider le consultant à voir plus clair en lui et à retrouver sa propre maîtrise de vie. D’autre part, il ne sait pas a priori d’où provient – la cause – la manifestation, le symptôme – l’effet – qui aura motivé votre démarche de consultation. Il n’est pas medium.

Quand le doigt montre la lune...
Apprendre à regarder où il y a à voir ?

S’il n’est pas medium, il peut être media, intermédiaire. Il a fonction d’intermédiaire entre vous et vous, entre votre vie, votre environnement et vous. Sans interventionisme (il est sans pouvoir) il pourra servir à ce que la réalité de votre existence vous apparaisse sous un jour vous facilitant certaines prises de décisions, la mise en place de comportements plus efficaces etc.

Il est aussi « puissant » qu’une loupe, un microscope ou une longue-vue vous permettant de voir plus loin, plus en détail, plus précisément, où et quoi entreprendre. C’est vous qui l’utilisez.

Et puis, autant l’avouer, le thérapeute ne touche à rien. Il s’évertue juste pour attirer votre attention sur tel aspect de votre fonctionnement qui pourrait vous apporter une clef – signification, ressource… – en lien possible avec la raison qui vous amène.

Chaque individu est un système interagissant avec d’autres systèmes (environnement) qui influent sur lui… Bien malin qui peut déduire quel battement d’aile de quel papillon en Indonésie aura provoqué tel ouragan sur les Antilles.

 

Un éclairage n’est utile que dans l’obscurité
Les clefs perdues, le réverbère et le passant

Réverbère
Chercher là où on n'avait pas tourné son regard ?

Une histoire célèbre mentionne un quidam, la nuit, scrutant le trottoir au pied d’un réverbère. Un passant s’approche et lui demande s’il a perdu quelque chose et a besoin d’aide :
« Oui, merci, j’ai perdu mes clefs »
« Vous êtes sûr de les avoir perdues ici ? »
« Ah non ! C’était plus loin, là-bas ! »
« Pourquoi les chercher ici, alors ? »
« Mais, parce qu’ici, il y a de la lumière ! »

Le thérapeute est ce passant, mais aussi le réverbère. Il ne s’agit pas seulement de savoir ce que l’on cherche – généralement, être débarrassé(e) du symptôme. Il importe surtout d’accepter de chercher, aussi difficile que cela semble, où il prend racine, ce qui le motive.

Si l’on demande à un chercheur de ne se pencher que sur un endroit précis où il n’y aura rien à trouver, toute la lumière du monde ne servira à rien, et chacun(e) perdra son temps.

Ce qui inspire le thérapeute, c’est l’obscurité vers laquelle vous acceptez de vous tourner, avec son assistance et la sécurité qu’il peut vous assurer. C’est dans l’ombre que votre pouvoir lumineux peut se (et vous) révéler ! Les « lumières », la science de votre thérapeute n’est, au plus, qu’une veilleuse destinée à vous soutenir dans votre cheminement à travers votre obscurité. Il veille et vous rassure : le chemin, s’il peut être parfois effrayant, n’est jamais dangereux.

Des murs, des fissures et un électricien

Face à une fissure dans un mur, il est toujours possible de retapisser dessus ou de colmater, en attendant la prochaine déchirure. On peut l’ignorer et regarder ailleurs, à moins que d’autres murs ne manifestent les mêmes symptômes…
Et l’on peut décider d’aller jeter un œil aux fondations. Or, pour cela, il faut descendre à la cave – Mais c’est dans la cuisine qu’est la fissure !…
Et dans la cave, il fait noir, c’est plein de vieilleries oubliées, on s’y sent moins à l’aise qu’au salon, il faut apporter de la lumière…
Donc pour le mur de la cuisine, il faut parfois oser visiter la cave.

En thérapie, la maison c’est vous, avec votre histoire, vos souvenirs (dans le grenier ?), votre origine (les fondations et la cave ?) etc.
Mauvaise nouvelle : vous ne pouvez pas en déménager.
Bonne nouvelle : vous pouvez l’aménager pour la rendre plus confortable – vous avez toutes les clefs, même celles des pièces que vous n’occupez pas (ou plus) et il y a de l’électricité dans chacune d’elles ; un électricien saura arranger votre installation si nécessaire…

Et puis, dans une maison qui a une histoire, une fissure dans un mur peut aussi révéler une pièce secrète qui renferme un trésor…
Qui sait ?!

 

 

Bienheureux les fêlés, ils laisseront passer la lumière.
[ Michel Audiard ]