De l’espace thérapeutique (www.psychobiotherapie.com)

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(page provenant du site www.psychobiotherapie.com – mai 2010)
La thérapie est une expérience qui se passe dans le consultant en présence de son thérapeute. Il s’agit de changer de référentiel, d’accepter la surprise – si l’on est pris par un symptôme -, de passer à un autre niveau, celui de la sur-prise, pour se retrouver au-delà de là où l’on se croit être. Je ne suis pas soit « malade », soit « en bonne santé ». Mais, je suis… avec, « en ce moment », certains symptômes qui, s’ils me paraissent inquiétants (…), me parlent de moi et de ma vie.
Cela se passe en moi, et en thérapie, c’est bien de « moi » qu’il s’agit.

Inspiré de l’article « Il n’y a pas de thérapeute, juste des thérapies » paru dans le numéro 26 de « Causes & Sens ».
(SUITE de
La thérapie : une co-création)

L’espace de l’artifice

Comme pour ce fameux test-énigme des neufs points à relier de quatre traits droits sans lever le crayon. Le patient expose son « problème » (les neuf points en carré). Le thérapeute fournit le crayon. Mais, qui va imaginer d’ajouter deux points supplémentaires, en dehors de ce qui semble imposer les limites du possible, à ces neuf qui, paradoxalement, ne donnent rien de neuf ? Le patient tourne carrément en rond ; inconsciemment se rejoue en boucle le scénario qui cherche une solution libératrice du stress.

Et si le propos de la thérapie n’était que de sortir du cadre, justement ? Passer de l’artificiel au réel, à la vie.
L’artificiel, c’est le cadre thérapeutique, mais, aussi, la maladie. Car, la maladie est engendrée par nos illusions, notre inconscience : enfermé dans mes croyances, je ne vois pas comment m’adapter à ce qui m’arrive et suis agi de l’intérieur, par ma biologie qui réagit selon un programme exceptionnel de survie.
Selon le décodage biologique, il y a réaction (ça re-agit) en fonction de solutions mémorisées dans notre biologie durant l’Évolution. La définition nouvelle de l’espace permet la co-création d’un artifice en conscience (l’instant thérapeutique) pour contre-carrer l’artifice qui alimente inconsciemment le symptôme : la persistance de la cause du stress.
Alors, la guérison comme un feu d’artifice(s) ?

Le travail se fait dans notre petit espace de liberté : l’interprétation. Même plus petit qu’on ne croit – « Le moi n’est pas maître en la demeure », nous a appris Freud –, cet espace est plus grand qu’on ne pense. Il a à voir avec notre créativité, avec notre inconscient ericksonien*.
(* M. H. Erickson considère que l’inconscient est un fabuleux réservoir de ressources auquel chacun peut puiser, via l’hypnose notamment qui shunte en partie le conscient.)
Conquérir ce territoire insu, le faire sien. Oui, notre inconscient, c’est nous. Il recèle des ressources insoupçonnées !
La guérison est là où nous ne sommes pas encore allés ; la maladie, c’est être resté là-bas, et guérir, c’est revenir ici.
Ajouter deux points à côté du carré ?
Regarder de plus loin ?
Changer son point de vue pour se voir mieux ?…

Thérapie brève, thérapie longue… et pourquoi pas thérapie efficace ?

L’appellation « thérapie brève » – invention marketing – , ne vient pas de Milton H. Erickson qui ne fustigeait que la longueur inutile de certaines pratiques – il citait la psychanalyse, qui honnêtement propose non une « thérapie », mais une « analyse », même si un effet thérapeutique peut se manifester…
Il s’agit juste de bousculer un système où se trouve enfermée la personne en difficulté, d’initier un changement. Tout serait bon pourvu que ça marche.
La thérapie n’est pas une science, mais une expérience. En cela, la vie est une thérapie, la seule vraie. La thérapie en cabinet, dans cet espace-temps artificiel, ne sert qu’à accélérer un processus nécessaire, à le rendre inévitable, à débloquer une capacité naturelle d’adaptation.
Quand un aspirant-patient questionne « Combien faut-il de séances, pour guérir ? », la bonne réponse pourrait être : « Une seule, la bonne » ! Mais, qui sait laquelle ce sera ? Où en est le vase avec ses gouttes d’eau et la masse critique de guérison sera-t-elle bientôt atteinte ? La thérapie se fonde sur la confiance. On imagine bien qu’il faudra plus de séances à une personne « paranoïde » qu’à une personne qui a déjà « travaillé ».
Le talent du thérapeute sera d’amener la confiance chez son patient avec permissivité et protection.
Le cadre, donc.

« À mes patients qui ont payé pour m’instruire »

To my patients who have paid to teach me. » dédicace de D. W. Winnicott dans Playing and reality – 1971 – trad. Française : Jeu et réalité chez Gallimard 1975)
Une séance, c’est un saut en chute libre. Avant de savoir voler, un instructeur nous accompagne. Il ne transmet pas ses instructions par radio depuis l’avion ou le sol !
Dans cet ordre d’idée, il me vient une métaphore zen que m’a servie mon propre thérapeute :

L’instructeur, au cours d’un saut en chute libre :
– J’ai deux nouvelles, une bonne et une mauvaise.
– …?
– La mauvaise : il n’y a pas de parachute…
la bonne : il n’y a pas de sol, non plu
s !

Changer de paradigme pour changer notre réalité.

Thérapeutes de tous bords, n’hésitez pas à mouiller la chemise, pour que celle ou celui venu(e) chercher de l’aide chez vous puisse apprendre à nager !
Voler, nager, chuter, oui. S’adapter, évoluer et, pourquoi pas, s’élever en reconnaissant ses racines, l’humus dont l’on est issu – un but de la thérapie.
Le cadre thérapeutique – lieu, temps de séance, objectifs, coût… – garantit la sécurité du patient, mais aussi celle du thérapeute. Car, le changement est imprévisible et contagieux. Il faut le savoir. Acceptant de se mettre en danger et de ne pas avoir peur, le thérapeute renonce à tout pouvoir sur l’autre, son semblable, auquel il tend la main pour dire : « Nous sommes comme cela, et il est possible de vivre (cela), maintenant. »

Il existe un curieux paradoxe :
quand je m’accepte tel que je suis, alors je peux changer.

[ Carl Rogers ]