(page provenant du site www.psychobiotherapie.com – mai 2010)
Le bio-décodage nous apprend que la mise en maladie apparaît en un instant, le biochoc. Son pendant lumineux, résultat d’un processus thérapeutique, est l’instant CLÉ (cf. L’instant de la guérison de C. Flèche & J-J. Lagardet – Le Souffle d’Or éditeur). À la notion de masse conflictuelle, qui veut que plus un ressenti émotionnel est intense et/ou durable, plus l’impact sera important en termes de symptôme, je propose ici, la masse critique de guérison, accumulation résolutive qui amène le « malade » à dépasser le seuil conditionnant son retour à un bien-être, au mieux-être.
Le questionnement demeure, cependant : Qu’est-ce qui fait que l’on guérit ? Où se situe la thérapie ? Quelle est l’importance du thérapeute ?
Inspiré de l’article « Il n’y a pas de thérapeute, juste des thérapies » paru dans le numéro 26 de « Causes & Sens« .
(Suivi par De l’espace thérapeutique)
Le grain de sel contre le grain de sable
La vie est thérapeutique. La « Providence » s’arrange pour nous confronter à ce qui pourra nous faire avancer dans ce que nous avons à vivre. C’est en ce sens que Milton H. Erickson affirmait : « le thérapeute n’a aucune importance » – sans importance ne signifie pas inutilité. Il lui appartient d’accepter d’être sans pouvoir – « Je le pansay, Dieu le guarist (Je le pansai et Dieu le guérit) » disait Ambroise Paré (1509-1590).
Il s’agit d’ajouter son grain de sel pour contrebalancer le grain de sable, d’apporter la goutte d’eau qui fera, qu’un jour, débordera le vase. La thérapie est censée, dans cette image, ajouter un compresseur pour augmenter le débit, poser les gouttières qui concentreront les gouttelettes éparses en ruisseaux… Certaines séances, d’ailleurs, sont très arrosées de larmes lors de ces débordements – on parle de catharsis.
Le rôle de celui qui fait thérapeute est surtout celui de témoin, de révélateur ou de catalyseur. La thérapie est un accélérateur, un « densificateur » de masse critique. Le thérapeute-catalyseur, provoque le changement, permet que quelque chose (se) précipite. Précipiter, dans le sens où il accélère un processus nécessaire – la précipitation –, mais aussi dans le sens où il favorise la séparation du sujet d’avec son objet d’identification – le précipité. Il n’y a pas de cancéreux (« Je suis malade »), mais, une personne qui, à un moment donné, quelque part, a un cancer (« J’ai ou j’ai eu une maladie »).
Le mot peut condamner, au sens où l’on dit que des médecins ont condamné quelqu’un – je ne vous donne pas plus de trois mois à vivre (cf. le ‘conflit de pronostic’) ! Le mot dit maudit. Mais, en revanche, les mots peuvent sauver. Les praticiens de l’hypnose, notamment savent bien le poids des mots, leur pouvoir, leur magie – « Abracadabra », qui vient de l’hébreu, signifie « Je crée comme je parle ».
Dire rend réel. Le poids des mots dans lesquels baigne une personne en difficulté peut faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre, augmenter la masse critique de guérison comme accentuer la pente morbide. Les mots amènent des représentations qui nous construisent ou nous détruisent. « On est malade d’un manque de vocabulaire » (Christian Flèche) pour se dire. Alors, qu’est-ce qui fait thérapie ?
Du lâcher-prise à la surprise
Envisageons une plante. On peut analyser la richesse en nutriments de la terre où elle pousse, mesurer l’action de l’eau, celle du soleil… Mais peut-on quantifier celle du printemps ? En thérapie, quelque chose dépasse le patient, dépasse le thérapeute, dépasse le cadre. Être dans le vouloir, plutôt que dans le pouvoir. Accepter d’être sans pouvoir et conjuguer les intentions, celle du patient avec celle du thérapeute. Cela participe de l’humilité, de l’humain – termes de même racine (!) qu’humus. La thérapie semble ne vouloir « prendre » qu’à condition d’accepter de lâcher. Elle porte son fruit par surprise, tout comme le choc initiateur (initiatique ?) de la mise en maladie. L’humilité et le cadre permettent la thérapie. La thérapie facilite une guérison.
Nous sommes les maîtres de notre vie que nous ne contrôlons point.
[ aphorisme soufi ]
Il s’agit d’accepter volontairement et consciemment de vivre ce que nous ne pouvions que vivre, ce qu’il était fatal que nous fassions. En fait, nous serions libres de faire avec.
L’important est de cheminer et si, par volonté et labeur, il m’est possible de voir plus clairement le chemin, c’est tant mieux. Mon thérapeute n’est qu’une paire de lorgnons – je lorgne, tu lorgnes, nous lorgnons… – qui aide à voir plus distinctement. Je me distingue de la maladie : « j’ai une maladie » et non plus « je suis malade ». Je deviens capable d’esquiver la confusion. La thérapie m’invite à me rapprocher de ce que je suis ; par contraste, peut-être. La maladie n’est plus ma vie, mon destin, une fatalité, et peut apparaître comme une étape.
Mon thérapeute ne change pasmes yeux. Il précise ma vue, par son regard, ou mieux, par sa façon de regarder. Par sa manière de m’écouter, il me permet de m’entendre.
Écouter quelqu’un, c’est lui permettre d’entendre ce qu’il dit.
[ Jacques Salomé ]
Du vide créatif à la vie créatrice
Dans un vide, l’espace défini par le cadre thérapeutique, pourra apparaître quelque chose qui fera thérapie.
Une thérapeutique s’administre, sur une période. Une thérapie se vit, dans l’instant. Il y a eu un moment où ça a basculé et la maladie est apparue. Cet instant est vécu en boucle – l’inconscient, biologique, ne connaît pas le temps. Et c’est dans cet instant de stase que tout peut rebasculer vers la guérison, le remise en mouvement. Toute la difficulté est de parvenir à faire revenir cet instant, grâce au vide créatif, mouvant et surprenant ; une séance non-surprenante est-elle vraiment finie ?
En cabinet, nous sommes trois : le patient, son thérapeute et ce qui peut se passer, le possible.
Comme dans le symbole du Tao bien (mal) connu qui est dynamique et non duel. Au Yin et au Yang s’ajoute un troisième principe nécessaire : le vide médian. Ce qui va permettre à la dualité de se dépasser par le mouvement et la mutation – le principe yin devient yang et vice versa. Il n’y a pas que moi et la maladie. Il y a en plus, et surtout, ce qui en moi a à voir avec la maladie et ce que la maladie a à m’apprendre. Le lien qui est apparu comme il peut disparaître – ce qui ne signifie pas qu’il n’est plus là, potentiellement. Le symptôme est révélateur.
Un diagnostic est relatif à un moment fixe. Il relate un état. La vie n’est pas un état. C’est un mouvement.
En bio-thérapie, entre autres, l’on cherche d’où vient la personne et vers où elle se dirige pour révéler la direction (cf. l’article « Je vais mal… et alors ? »). En quoi ce que vit le patient fait-il sens pour lui, compte tenu de son histoire, de sa carte du monde et de ses aspirations ?
Ce vide est aussi le temps entre les séances, le silence dans la séance, et tout ce qui sort du cadre (synchronicités, rêves…). Le silence qui suit la séance, c’est encore de la thérapie – comme pour Mozart. La musique n’est pas dans les notes mais naît des notes, de ce qu’elles révèlent, de leur inter-relation et des silences entre elles. L’art martial floral japonais (ikebana) compose avec les fleurs, mais, davantage encore, avec le vide entre elles. Le passage de l’état de malade à celui de guéri – quelle que soit la nature de cette guérison – n’appartient pas à l’espace thérapeutique qui est dans la vie mais n’est pas la vie.
(Suite : article De l’espace thérapeutique)